Comment se comporter face à un proche alcoolique ou sur le point de le devenir ?  Comment lui parler de son problème d’alcool sans le braquer ? Quelles aides existent à La Réunion ? Les 6 choses à savoir !  

Un Réunionnais sur 10 boit de l’alcool régulièrement, et notre île est l’une des régions françaises où l’alcool tue le plus. Pour les buveurs mais aussi pour leurs proches, il n’est pas toujours facile de savoir où se situe la limite entre une consommation raisonnable, festive, et une consommation abusive qui risque d’entraîner une dépendance, et peut causer de graves problèmes de santé.

Heureusement, l’addiction à l’alcool n’est pas une fatalité, il existe des moyens pour s’en sortir ! Au sein du couple, au sein de la famille, parmi vos amis : voici 6 réponses-clé pour aider une personne dépendante à l’alcool.

Problèmes d’alcool dans le couple, parmi vos amis ou au sein de la famille ?

EN BREF

  • Les signes qui doivent alerter : changement d’humeur, conflits, consommation de plus en plus régulière, sorties de plus en plus fréquentes, comportements à risques (conduite en état d’ivresse notamment).
  • Pour en parler : faire preuve d’écoute, tenter de comprendre les raisons qui poussent l’autre à boire. Les reproches et le chantage peuvent se montrer néfastes. Restez ouvert au dialogue.
  • Pour l’aider à résoudre ses problèmes : orienter vers des professionnels, des numéros d’aide ou des associations locales. Des solutions existent !
  • Pensez à vous protéger ! Si vous êtes victime de violences liées à l’alcool, ne restez pas seul.e face à ce problème. Un numéro d’aide spécial, le 3919 est disponible à La Réunion. C’est un numéro d’appel anonyme et gratuit.

Comment savoir si un proche boit trop ?

Il est difficile de se rendre compte de l’addiction d’une personne que l’on aime en se basant uniquement sur son comportement, car les réactions face à l’alcool diffèrent d’une personne à une autre.

En revanche, certains signes peuvent mettre la puce à l’oreille :

  • Une consommation de plus en plus régulière
  • Un tendance à boire par besoin et non plus seulement par plaisir.
  • Un changement d’humeur ou de comportement comme de l’agressivité, de l’anxiété, de la tristesse ou un repli sur soi
  • Des modifications du rythme de vie, de l’appétit, du sommeil, de la fréquence de ses sorties
  • Des difficultés relationnelles comme des conflits, des ruptures, ou des absences sur le lieu de travail…
  • Des conduites à risques qui sont fréquentes sous l’effet de l’alcool (alcool au volant, risque sexuel…)

Par ailleurs, plus on dépasse le seuil des recommandations officielles, plus le risque est important. Ce seuil est le suivant :

  • Femmes et hommes : pas plus de 2 verres par jour.
  • Pas tous les jours : au moins 2 jours dans la semaine sans consommation.
  • Pas plus de 10 verres par semaine.

Lui faire prendre conscience de son problème d’alcool

Il est difficile d’aider quelqu’un qui n’appelle pas à l’aide. Et si cette personne ne voit pas sa consommation comme un problème, elle ne comprendra pas pourquoi on lui demande de changer.

L’idée n’est pas de la forcer à arrêter de boire mais de lui faire prendre conscience que son comportement est un problème pour son entourage et sa santé.

L’aider à prendre soin d’elle/de lui autrement

Notre rapport à l’alcool est très personnel. Certains le voient comme un petit plaisir à partager entre amis, d’autres comme un réconfort pour prendre soin de soi et surmonter ses problèmes. Lorsqu’il est utilisé comme un réconfort, l’alcool peut alors devenir un problème. Pour aider cette personne, proposer lui d’autres manières de prendre soin d’elle. Il peut s’agir d’un moment de détente (massage, yoga), de plaisir gustatif (un plat qu’il/elle affectionne), d’une balade dans la nature : tout ce qui peut lui faire du bien sans avoir recours à l’alcool.

Il faut savoir que le cerveau fonctionne par association. Si à chaque fois qu’une personne se sent mal, elle se tourne vers l’alcool, son cerveau va associer ces deux choses : mal-être = besoin d’alcool. Si dès qu’elle passe un mauvais moment, elle fait quelque chose qui lui fait plaisir (dessiner, jardiner, regarder son film préféré, manger son repas préféré…), son cerveau se souviendra de la possibilité de transformer sa souffrance en plaisir.

Dès qu’elle ressentira des difficultés, elle aura de moins en moins le réflexe de se tourner vers l’alcool.

Partager votre ressenti l’aidera à prendre conscience des conséquences de son comportement.

Sans être dans le reproche, vous pouvez lui parler :

  • De son comportement sous influence de l’alcool
  • De ses mots sous influence de l’alcool
  • Des risques pris sous emprise de l’alcool
  • Des activités qu’il/elle ne fait pas ou plus à cause de son alcoolisation
  • De ce que vous ne faites pas ou plus ensemble à cause de son alcoolisation
  • De ce que vous ressentez quand vous le/la voyez boire

Eviter les reproches et le chantage

Exprimer vos inquiétudes et vos ressentis personnels est une belle façon de montrer que l’autre compte pour vous sans le dévaloriser.

Plutôt que dire « Tu me déçois une nouvelle fois », il sera plus bénéfique de dire « Quand tu bois, j’ai peur pour ta vie, je suis angoissé-e ».

Que ce soit par désespoir ou sous le coup de la colère, faire des reproches et user du chantage — par exemple : “si tu n’arrêtes pas de boire, je n’accepterai plus aucune invitation chez nos amis” — risque de fragiliser la confiance installée entre vous et de bloquer le dialogue.

Par ailleurs, si sa dépendance est sévère, le fait de le menacer le confortera dans l’idée que l’alcool est son seul réconfort.

La meilleure attitude à adopter est d’avancer à son rythme dans sa prise de conscience et dans les efforts qu’il fournit dans le respect et la bienveillance.

Encourager le dialogue et exprimer de l’empathie (je te comprends)

Submergés par l’inquiétude, la peur ou même la colère, nous ne cherchons plus à comprendre les raisons qui poussent nos proches à consommer de l’alcool de manière déraisonnable.

Pourtant, il est essentiel de comprendre les motivations qui les poussent à boire. Ces raisons cachent souvent un mal-être profond : timidité, angoisses, peur d’être rejeté, traumatismes, solitude…

De votre point de vue, sa consommation d’alcool le détruit. De son point de vue, elle l’aide probablement à faire face à des difficultés au quotidien.

Pour l’aider, faites-le parler : pourquoi bois-tu ? Qu’est-ce que l’alcool te fait ressentir ?

S’il ne souhaite pas en parler avec vous, invitez-le à en parler avec des tierces personnes :

  • Lignes téléphoniques de soutien
  • Médecin traitant
  • Consultations en addictologie, etc.

Ces professionnels l’inviteront à faire le point sur ses difficultés sans pour autant immédiatement parler de traitement ou d’abstinence.

Spécialisés dans la prise en charge des problèmes d’addiction, les CSAPA proposent des consultations gratuites et anonymes. À La Réunion, il existe cinq centres de soin spécialisés dans la prise en charge des problèmes d’addiction. Appelés CSAPA, ces centres sont gratuits, anonymes et de proximité > Voir article : ALCOOL, TABAC ET ADDICTIONS À LA RÉUNION : QUI PEUT M’AIDER ?

Ne pas agir à sa place

Votre soutien est primordial pour votre proche mais cela ne signifie en aucun cas que vous devez agir à sa place.

Tout comme vous ne pouvez pas arrêter de boire de l’alcool à sa place, vous ne pouvez pas prendre rendez-vous pour lui contre sa volonté. Il est très important qu’il soit acteur de cette démarche !

Vous pouvez lui faciliter la tâche par d’autres moyens :

  • Mettre à sa disposition les numéros d’aide à La Réunion
  • Lui proposer de l’accompagner aux rendez-vous
  • Vous rendre dans un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie afin de :
    • trouver une oreille attentive pour évoquer les difficultés que vous rencontrez dans un lieu confidentiel et sécurisé
    • Obtenir de l’information sur les risques liés à la consommation excessive d’alcool,
    • Demander conseil aux professionnels de l’addiction sur la meilleure approche à adopter pour aider votre proche
    • Expérimenter l’accueil par vous-même afin de pouvoir plus facilement convaincre votre proche de s’y rendre et le guider

Et s’il n’agit pas de lui-même on fait comment ?

L’hospitalisation sous contrainte : est-ce possible ?

Il n’est pas possible de forcer quelqu’un à faire un sevrage contre sa volonté. Cependant, une personne peut être hospitalisée contre sa volonté dans certains cas :

  • Un médecin peut demander une hospitalisation sous contrainte lorsqu’une personne présente un danger pour elle-même ou pour les autres, et qu’elle n’en a pas conscience.
  • C’est toujours un médecin qui doit déterminer si une hospitalisation sous contrainte est appropriée. C’est également lui qui se charge de contacter le centre hospitalier ; pas la famille ou les proches.
  • L’hospitalisation se fait alors dans un service de psychiatrie ou de psychologie médicale, et non dans un service spécialisé dans les dépendances.

L’hospitalisation sous contrainte permet donc dans certains cas la prise en charge de personnes qui traversent des moments de troubles, et qui sont susceptibles de mettre en danger leur sécurité et celle des autres. Elle ne permet pas de les contraindre à suivre un traitement spécifique pour leur dépendance.

Tout savoir sur les détails de la procédure ici ou encore ici.

Source :

Se protéger

Comment sauver une personne de la noyade si vous êtes également en train de couler ? Cette image résume l’importance de prendre soin de soi et de se questionner sur ses propres limites.

Il est donc primordial de se protéger et de mettre en place certaines mesures :

Ne restez pas seul-e face à vos difficultés.

Qu’il s’agisse d’un professionnel de l’addiction ou d’un membre de votre entourage, une oreille attentive peut vous aider à surmonter vos difficultés. Vous n’êtes pas seul-e, d’autres personnes vivent la même situation que vous.

  • Votre médecin est en mesure de vous orienter vers des organismes spécifiques et de vous aider dans ces démarches.
  • À La Réunion, il existe des groupes de parole  où vous pourrez trouver une solidarité réconfortante et partager vos expériences avec d’autres.
  • Des forums de discussion officiels dédiés à l’entourage d’un proche addict à l’alcool peuvent également constituer une aide précieuse. http://www.alcool-info-service.fr/Les-Forums-de-discussion/Forums-pour-l-entourage
  • Alcool Info Service est également à votre disposition pour répondre à vos questions et pour vous aider dans votre réflexion. Vous pouvez joindre anonymement l’un des écoutants tous les jours de 8h à 2h du matin (horaires métropole) au 0 980 980 930 ou par chat.

Questionnez-vous sur votre capacité physique et psychologique à vivre cette situation

Quelles sont vos limites ? Fixez-les et parlez-en avec votre proche. Qu’êtes-vous prêt-e à accepter ? Que pourriez-vous faire pour améliorer votre situation et ne plus la subir ?

Prenez soin de vous

En vous accordant des moments de bien-être personnel, vous réussirez davantage à prendre du recul et à trouver une nouvelle énergie et de nouvelles stratégies à mettre en place.

Vous êtes victime de violence de la part d’un proche sous l’emprise de l’alcool ?

En état d’ivresse, certaines personnes peuvent devenir agressives ou paranoïaques.

Ceci est dû en partie au fonctionnement du cerveau : la personne alcoolisée va se focaliser sur l’irritation qu’elle ressent au moment présent et elle pensera moins aux conséquences futures de ses actes.

Les violences peuvent prendre plusieurs formes : agressions verbales, sexuelles, coups et blessures…

Que votre proche soit sous emprise de l’alcool ou non, la violence est inacceptable. Si un proche s’en prend à vous, vous devez agir rapidement.

1 – Porter plainte

Les violences psychologiques tout comme les violences physiques sont punies par la loi. N’hésitez pas à appeler la police ou les urgences en cas de violences et à porter plainte. Ce recours à la loi peut permettre de monter un dossier contre votre proche et pour vous protéger vous et votre entourage.

2 – Parlez-en à une personne en qui vous avez confiance.

C’est la première étape à franchir pour sortir de la spirale de la peur, de la solitude et même souvent de la honte.

Vous pouvez en parler :

En appelant le 3919, c’est un numéro d’appel anonyme et gratuit. Du lundi au samedi de 8h à 22h, les jours fériés de 10h à 20h (horaires Métropole) ;

  • À un professionnel de santé (médecin, pharmacien ou tout autre professionnel de confiance) ;
  • À une association dédiée aux violences à La Réunion. Consultez la plaquette ORVIFF ici pour obtenir les coordonnées des associations.
  • À un avocat
  • À un travailleur social (mairie, Conseil Général, assistante sociale…)
  • À un membre de votre entourage.

3 – Faites-vous aider !

Pour en savoir plus, consultez la fiche dédiée aux violences conjugales.

Il existe également des associations d’aides aux victimes de violence, vous pouvez consultez la liste des différents organismes.

Ce qu’il faut retenir

  • Encouragez votre proche à parler
  • Eviter le chantage et les reproches
  • Traitez-le avec respect et encouragez ses efforts
  • Avancez à son rythme
  • Mettez-vous à sa place
  • Faites-vous aider dans votre rôle de soutien
  • Fixez des limites à ce que vous êtes capable de supporter

Sources

COMMENT ME FAIRE AIDER ? – Alcool-info-service.fr

COMMENT SAVOIR SI UN PROCHE A UN PROBLÈME ? – alcool-info-service.fr

COMMENT LE CONVAINCRE D’ARRÊTER – alcool-info-service.fr

Site de l’association Femmes974 – femmes974.info

Les comportements addictifs à La Réunion. Actualisation 2017 des indicateurs de suivi – ors_tb_addictions_reunion_2018.pdf (ors-reunion.fr)

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Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.