20 % : c’est la proportion de Français tatoués ! On arrive même à 30 % de piqués chez les moins de 35 ans. Et ces chiffres sont en constante augmentation. Alors mieux vaut connaître l’impact du tatouage sur notre peau !

Le Dr Kelly Bagny est dermatologue au Centre Hospitalier Universitaire Nord de La Réunion. Elle nous explique comment les tatouages et les encres utilisées peuvent agir sur la peau. Réactions allergiques, infections, cicatrices : bien connaître les risques permet de mieux s’en protéger. Elle insiste également sur l’importance de sélectionner un tatoueur qualifié et d’entretenir correctement son tatouage.

Quels sont les risques d’un tatouage permanent ?

Du plus bénin au plus important, les risques liés au tatouage permanent sont nombreux. Certains effets indésirables peuvent même se déclarer plusieurs années après la réalisation du tatouage.
Dans tous les cas, si vous constatez une des anomalies suivantes ou avez un doute : consultez votre médecin traitant. Il pourra vous proposer un traitement ou vous orienter vers un spécialiste.

Allergies au tatouage : à ne pas négliger

« Certains pigments comme le rouge, le bleu et le vert sont le plus souvent associés à des réactions allergiques”, prévient le Dr Kelly Bagny, dermatologue au CHU Nord de La Réunion.

Certains signes peuvent vous alerter : “gonflement, plaque sur le tatouage, peau qui s’épaissit et durcit (hyperkératose), démangeaisons, petites vésicules semblables à de l’eczéma, rougeurs, etc. Des plaies peuvent aussi se former sur la zone tatouée. Cela survient en général dans les sept jours suivant la réalisation du tatouage. Informez-en votre tatoueur et consultez votre médecin traitant, pour vérifier que ce ne soit pas une éventuelle infection. »

Infection du tatouage : filez chez le médecin en urgence

« Le tatouage, comme toute effraction cutanée, crée une porte d’entrée infectieuse potentielle, explique la dermatologue. Cela signifie que des agents infectieux tels que les bactéries, les virus, etc. peuvent entrer dans le corps par cet endroit. »

Comment reconnaître un tatouage infecté ?

  • « localement, par un œdème, un gonflement, un écoulement purulent au niveau du tatouage,
  • plus globalement par de la fièvre, l’apparition de ganglions, et des rougeurs au-delà du tatouage.

Le plus souvent, l’infection survient dans les jours suivant le tatouage, mais elle peut également se déclarer plusieurs mois, voire quelques années plus tard, par exemple en cas de mycose ou mycobactérie.

La réaction à avoir : désinfectez avec un antiseptique et consultez immédiatement votre médecin traitant pour qu’il vous donne un traitement adapté. »

Des maladies dermatologiques favorisées par le tatouage

« Les tatouages peuvent favoriser la poussée de maladies dermatologiques pré-existantes telles que la dermatite atopique (ou eczéma atopique), le psoriasis, le lichen, le vitiligo…

Ces maladies peuvent, quand elles ne sont pas contrôlées, se développer sur la zone tatouée. Dans ce cas, il peut y avoir une répercussion esthétique sur le tatouage.

Enfin, la sarcoïdose, une maladie inflammatoire rare, peut se manifester sur les tatouages et les cicatrices, y compris des années plus tard. Au-delà de la peau, elle peut atteindre les poumons, les yeux, le cœur, les ganglions, etc. ».

Tatouage et risque de cancer : aucun lien démontré à ce jour

À ce jour, il n’existe rien dans la littérature qui fait le lien direct entre cancer et tatouage, affirme notre dermatologue(1).

Mais nous n’avons pas toutes les données sur la composition de certaines encres, et nous ne savons pas quels peuvent être leurs effets à long terme…”

Autres risques liés au tatouage

Les tatouages peuvent avoir d’autres impacts auxquels on ne pense pas toujours :

  • les inévitables douleurs pendant la réalisation du tatouage : « elles peuvent provoquer des malaises, des syncopes, des crises d’épilepsie, voire des troubles cardiaques »,
  • une difficulté à surveiller la zone tatouée, en raison de la difficulté à examiner la peau, notamment pour le dépistage des cancers cutanés,
  • « chez les personnes qui ont la peau foncée, un risque plus élevé de développer des cicatrices dures (chéloïdes) ou en relief (cicatrices hypertrophiques) sur un tatouage ».

Des contre-indications au tatouage ?

Etant donnés les risques évoqués, on se doute que certaines personnes devraient éviter de se faire tatouer ! Voyons dans quelles conditions.

Quand éviter de se faire tatouer ?

« Il n’existe pas de données liées au tatouage durant la grossesse ou l’allaitement. Par mesure de précaution, on évitera de se faire tatouer à ces périodes où l’immunité baisse, notamment à cause du risque plus important d’infection », prévient le Dr Bagny

J’ai des problèmes de santé, puis-je me faire tatouer ?

« Mieux vaut éviter de se faire tatouer si on est porteur de maladies qui ne sont pas stabilisées :

  • maladies dermatologiques non contrôlées, notamment dermatose inflammatoire,
  • maladies auto-immunes,
  • déficit immunitaire (patients greffés, diabétiques…).

Certains traitements invitent aussi à renoncer au tatouage :

  • médicaments immunosuppresseurs (car on multiplie les risques d’infection ou de maladie),
  • médicaments anticoagulants (risque d’hématomes ou d’ecchymoses).

Si vous êtes dans une de ces situations, parlez de votre projet de tatouage à votre médecin traitant ou au spécialiste qui vous suit. Ils seront à même de vous répondre. »

Quelles zones éviter de se faire tatouer ?

Voici les zones principales que déconseille la dermatologue :

  • « sur des grains de beauté (naevus) car il faut pouvoir continuer à les surveiller.
    On évite également de se faire tatouer sur des cicatrices en relief ou des cicatrices dures car cela peut entraîner une aggravation de leur état,
  • sur des zones qui vont beaucoup évoluer au cours de la vie.
    Par exemple, les jeunes femmes devraient éviter de se faire tatouer sur l’abdomen si elles envisagent d’avoir des enfants,
  • là où la peau est fine (la face interne du bras, le visage etc.) car il y a un risque que l’encre se diffuse plus en profondeur et que le tatouage « bave » : c’est le tattoo blowout.

En revanche, contrairement aux idées reçues, le tatouage en bas du dos n’est pas incompatible avec une péridurale. Par précaution, les anesthésistes évitent de piquer à travers les pigments. »

Comment se faire tatouer en toute sécurité ?

3 conseils pour limiter les risques :

  1. Parlez de votre projet à votre médecin traitant, surtout si vous avez une maladie ou un trouble chronique et que vous prenez un traitement médicamenteux
  2. Prenez le temps de bien choisir votre tatoueur
    Évitez à tout prix de vous faire tatouer chez des tatoueurs non professionnels, clandestins ou lors d’un voyage.
    En France, tout tatoueur doit être habilité et déclaré auprès de l’Agence Régionale de Santé (ARS) [Voici un point sur la réglementation, NDLR]
  3. Posez-lui des questions sur les encres qu’il utilise.
    Privilégiez les encres fabriquées dans l’UE, n’hésitez pas à vous renseigner sur leur composition et « assurez-vous qu’elles ne contiennent pas de para-phénylènediamine (2)

Si vous constatez une pratique douteuse chez un tatoueur à La Réunion, surtout en termes d’hygiène, il est possible de faire un signalement à l’Agence Régionale de Santé de La Réunion.

Comment bien protéger son tatouage ?

Suivez déjà les conseils de votre tatoueur ! Il vous expliquera comment prendre soin de votre tatouage dans les premiers jours et les premières semaines.

3 points sont particulièrement importants :

  • au début : le laver soigneusement et le sécher avec un linge propre,
  • le protéger contre le soleil, avec de la crème solaire indice 50 et des vêtements longs, surtout au début mais aussi tout au long de la vie,
  • le surveiller quotidiennement, pour vérifier qu’il évolue bien.

Soyez encore plus attentif à votre tatouage à La Réunion ! Ici le soleil et le climat humide favorisent les infections.

Si vous avez une petite plaie sur votre tatouage, pas de panique ! Comme pour toute plaie, il suffit de bien nettoyer, désinfecter, surveiller et de demander conseil à votre médecin au moindre doute.

Comment ça marche, un tatouage permanent ?

Tatouer consiste à déposer des pigments dans le derme avec une aiguille. La couleur « apparaît ensuite par “transparence” à travers l’épiderme après cicatrisation de la peau. »(3).

L’encre du tatouage passe-t-elle dans le sang ?

L’encre passe plutôt dans la lymphe (selon une étude datant de septembre 2017 (4)), un liquide qui baigne les organes.

Dès l’injection de l’encre dans le derme, et tout au long de la vie de la personne tatouée, la lymphe transporte les pigments jusque dans les ganglions lymphatiques. C’est tout simplement dû au système immunitaire qui cherche à se débarrasser des corps étrangers que sont les pigments.

Les encres blanches ou de couleurs sont-elles plus toxiques que les encres noires ?

La composition des encres de tatouage reste floue, car elle est nettement moins encadrée que celle des médicaments ou des cosmétiques.

Mais on sait que la plupart des encres (y compris des encres noires) contiennent de nombreuses substances chimiques à même de se diffuser dans l’organisme(5), et que les encres de couleurs déclenchent plus d’allergies (voir plus bas).

Ce qui a donné lieu à des précautions :

  • depuis 2022, 27 pigments ont été interdits et 4 000 substances chimiques ne peuvent plus être utilisées qu’en proportion réduites dans les encres,
  • depuis janvier 2023, les encres vertes et bleues sont interdites dans l’UE.

Sources

  1. Dans son avis du 15 décembre 2020, le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) n’a relevé « aucun lien de causalité entre tatouage et cancer de peau »
  2. Tatouage : ce que vous devez savoir | Economie.gouv.fr
  3. Les secrets du tatouage | Syndicat des Tatoueurs
  4. Résultats publiés ici : Nature.com

Une étude de l’UFC-Que Choisir de 2021 (dont les résultats sont disponibles dans le numéro 600 de la revue (mars 2021)) épingle 75% des encres les plus utilisées en France.

Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.