« Restez chez vous ! » Cette phrase fait rimer confinement avec stress, déprime, excès… Voyons comment les atténuer et mieux vivre cette période de crise.

Le confinement en raison de la covid-19 a un effet sur notre comportement en général, d’autant plus qu’on est “enfermé” chez nous. Quels sont les effets au quotidien ? Une question à laquelle nous essayons de répondre.

Quels sont les effets au quotidien ?

Parents, enfants, personnes fragiles, ou personnes seules, tout le monde est concerné.

Pour les personnes non touchées par la covid-19 ?

Pour les personnes non touchées par la maladie, c’est-à-dire qui ne sont pas malades et n’ont pas de malades dans leur entourage proche, « il faut considérer deux aspects, explique le Dr Erick Gokalsing (1), Psychiatre des Hôpitaux et référent de la Cellule d’Urgence Médico Psychologique de l’Océan Indien :

  • D’une part, il y a la peur, l’inquiétude, l’incertitude quant au lendemain car l’information que l’on reçoit est : « préservez-vous d’une menace potentiellement mortelle mais invisible », ce qui peut entrainer de l’angoisse et du stress. Il y a un sentiment de confrontation à la mort qui peut durer : certaines personnes peuvent internaliser cette menace et l’entretenir à plus long terme. Il y a alors syndrome psycho-traumatique. Et plus le stress va durer, plus l’impact psycho traumatique sera important.
  • D’autre part, il y a les conséquences du confinement : ne pas travailler donc ne pas recevoir d’argent, voir sa sécurité quotidienne remise en question (comment faire vivre sa famille ?, etc.). Là, il y aura deux catégories de personnes : celles qui vont développer une augmentation du syndrome de stress et celles qui vont aller au-delà, s’épuiser, entrer dans un syndrome dépressif.

Pour les personnes les plus stables ces effets seront compensés. Certaines autres vont voir des syndromes psy apparaître ou réapparaître.

Pour la population générale, l’inquiétude va porter sur soi-même : les gens seront plus à l’écoute d’eux-mêmes, avec une augmentation du stress et de la vulnérabilité au stress. »

Pour les personnes touchées par la covid-19 ?

« Les personnes qui ont des proches en réanimation, ou dont un proche est décédé, surtout s’il était jeune, considèrent qu’il y a un lien de la maladie avec la mort inquiétant, poursuit le Dr Gokalsing.

Si on est soi-même un malade guéri, on peut avoir le sentiment d’avoir échappé à la mort*, et l’illusion de l’immortalité vole en éclats. Ainsi que l’illusion que le monde qui nous entoure est sécure. »

Il peut aussi naître un sentiment de culpabilité chez les personnes en ayant contaminé d’autres, et un risque de stigmatisation de la part de l’entourage.

Rappelons que, dans la majorité des cas, les malades développent une forme non sévère du Covid-19.

Pour les enfants ?

« Le stress inclut les enfants, notamment lorsqu’ils vont voir que leur figure de stabilité (le plus souvent les parents) est mise à mal. L’attitude des parents peut en effet ne pas être sécurisante.

On observe différentes manifestations chez l’enfant, signes que sa sécurité est ébranlée :

  • une irritabilité,
  • une tendance à être maussade, un peu « gnangnan », collant (recherche de réassurance),
  • des troubles du sommeil,
  • des cauchemars,
  • un aspect de régression (retour du pipi au lit pour les plus jeunes),
  • une modification de l’appétit,
  • une constipation,
  • des moments de colère, de repli,
  • des difficultés à accepter les contraintes (par exemple travail scolaire), un sentiment de fatigue.

Et pour les plus grands, il y aura un côté plus exacerbé de la crise d’adolescence : l’opposition, la difficulté à accepter les consignes… », détaille le psychiatre.

Pour les personnes fragiles, âgées ou malades ?

Le confinement peut entraîner une inquiétude notamment chez les personnes seules, malades, âgées ou dépendantes.

« La première : est-ce que j’aurai suffisamment de médicaments et de réserves de produits de consommation courante ? précise le Dr Gokalsing. La seconde : si ça se passe mal : qui va s’occuper de moi ?

Ces inquiétudes créent une augmentation du sentiment de vulnérabilité, génératrice de stress et d’un sentiment d’impuissance et de mort imminente » car la personne sait que la mise en place de secours serait plus compliquée. »

Pour les personnes seules ?

« Pour les personnes seules bien portantes, le danger est le désœuvrement, l’inaction, le sentiment de tourner en rond, d’avoir une limitation de liberté. On notera surtout la frustration si la personne est en bonne santé mais ne peut pas supporter de ne pas faire tout ce qu’elle veut. »

Pour les personnes atteintes de troubles psychiques ?

« Ces personnes étant vulnérables au stress, certaines cicatrices vont s’ouvrir, poursuit le psychiatre.

Si elles sont porteuses d’une pathologie psychotique la baisse du recours aux soins (par exemple en hôpital de jour) peut mener à un niveau de soins insuffisant : certains symptômes peuvent réapparaître, alimenter des idées qui ne sont pas en prise avec la réalité.

Les personnes souffrant d’un trouble de l’humeur peuvent développer un sentiment d’exclusion, donc une augmentation du niveau de douleur psychologique, qui pourrait potentiellement impacter l’estime de soi. On peut alors craindre une augmentation des symptômes dépressifs et des passages à l’acte suicidaire.

Il est indispensable de garder le contact avec ces personnes (soignants, entourage), pour les soutenir, les évaluer, leur proposer des ajustements de traitement. »

Pour les personnes souffrant d’addictions (alcool, zamal…) ?

« On constate globalement une augmentation des consommations, tous produits confondus : alcool, benzodiazépines, zamal, etc. », constate Jacques Navon, psychologue clinicien au CSAPA Kaz’Oté(2), d’après un questionnaire proposé aux patients du Centre. Y compris chez les personnes qui présentent habituellement une consommation raisonnée d’alcool, qui augmentent leur consommation lors d’apéros en ligne.

On note beaucoup d’inquiétude, d’anxiété et d’angoisse, qui donnent lieu à des « automédications », des consommations qui cherchent à soigner quelque chose : alcool, zamal, médicaments…

Il y aura bientôt un problème d’approvisionnement : ça va commencer à être plus compliqué. Certains patients réclament déjà des traitements de substitution, d’autres vont certainement basculer vers des drogues légales, comme l’alcool.

On peut également supposer qu’à partir de la troisième semaine de confinement les choses pourront se compliquer, avec des risques d’overdose, de tentative de suicide, de somatisation, d’augmentation des violences intra familiales, éventuellement des agressions sexuelles… tous les tableaux habituellement en lien avec les consommations de drogue pourront être majorés ».

Un autre souci se posera aussi avec les enfants qui se retrouvent dans un contexte familial compliqué : « il y a déjà des adolescents qui fuguent, ils auront peut-être des difficultés pour l’après, avec une errance dans les rues, etc. », estime Jacques Navon.

Les impacts du confinement à l’étude

La Chine ayant été le point de départ de la pandémie de Covid-19 et la première à imposer le confinement à sa population, c’est elle qui peut nous en apprendre le plus sur ses effets. Une enquête(3) réalisée dans ses 36 provinces sur la population générale révèle les tendances suivantes :

  • Présence d’un stress psychologique modéré pour 35 % des répondants
  • Présence d’un stress psychologique sévère pour 5,14 % des répondants
  • Les personnes les plus touchées : les femmes, les 18-30 ans, les + de 60 ans.

Une note de synthèse a également été publiée sur le site de la revue The Lancet (4), portant sur l’impact psychologique du confinement. Elle passe en revue 24 études réalisées dans dix pays lors des épidémies de Sras, Ebola, H1N1, etc. Celle-ci révèle une baisse de moral chez 73% des personnes ayant subi une quarantaine, et une irritabilité chez 57%. On y apprend également que le niveau de stress dépend de la durée du confinement et que l’impact psychologique de celui-ci est renforcé lorsque sa date de fin est reculée. Au-delà de 10 jours, on peut même prédire un syndrome post-traumatique, c’est-à-dire du stress, de l’anxiété, des insomnies, etc. à plus long terme.

Comment limiter les effets du confinement ?

Il existe des solutions pour faire en sorte que ce confinement n’ait qu’un impact limité sur votre santé et votre moral.

Pour tous

Le Dr Gokalsing liste 6 points incontournables :

« 1/ Cultiver le calme et la confiance. Il y a des gens qui travaillent pour faire en sorte que la pandémie se calme : il faut leur faire confiance. Il faut faire confiance à nos institutions et faire le tri des informations qui nous sont données.

2/ S’informer, mais pas trop. Il faut s’astreindre à deux points d’information quotidiens, via des sources fiables, et éviter de traîner sur Internet.

3/ Dans un moment de limitation des libertés et des synchroniseurs sociaux (horaires de travail, de repas…), on a tendance à faire ce qu’on veut. Il faut garder une synchronisation : se lever, se laver, s’habiller, avoir une activité, manger à heures fixes, garder une routine.

Il faut également alterner des moments de repos et des moments où on bouge son corps, particulièrement pour les enfants.

4/ S’offrir des activités d’évasion : des lectures, des films ou des séries agréables et positifs, au contenu plutôt optimiste, humoristique, qui montrent la beauté du monde…

5/ Mettre en place des méthodes pour gérer son stress : la méditation, le yoga, la relaxation, la cohérence cardiaque, etc. Il existe pour cela de nombreuses applications et sites Internet.

6/ Communiquer : il est important de prendre des nouvelles des personnes qu’on n’a pas vues depuis longtemps, par Internet, par téléphone… Il s’agit d’adopter une communication optimiste, de se soucier de l’autre : Comment ça va ? Est-ce que je peux aider ? Car se sentir utile aide aussi à faire face au stress ! On peut par exemple faire des courses pour une personne âgée, etc. Toujours dans le respect des consignes de confinement. 

Pour les personnes en charge d’enfants

« Il faut accorder du temps aux enfants, précise le psychiatre. Ils ne doivent pas rester sur une console toute la journée car ils vont s’enfermer dans leur monde. Il faut structurer le temps de l’enfant, lui faire partager les moments en famille.

Il est intéressant de ressortir les jeux familiaux, hors écran. En jouant, l’enfant pourra livrer ses émotions, on pourra lui passer des informations… Voir qu’on est détendu le rassure.

On doit aussi lui donner des réponses, à son niveau, lui expliquer, toujours en mettant en avant l’aspect positif : « il y a déjà eu des événements comparables, on va s’en sortir. »

Il faut alterner les moments seul et en famille, les moments calmes et dynamiques, le faire participer à des activités pédagogiques, respecter son sommeil en mettant en place une routine habituelle : ce ne sont pas les vacances ! Cela permettra aussi à l’enfant de se sentir contenu, et facilitera le retour à la normale. »

Pour les personnes seules, fragiles, âgées ou malades

« Il faut être proactif : appeler sans attendre qu’elles le fassent, et organiser une routine en appelant de manière régulière. Il faut s’inquiéter de leurs besoins, en essayant de trouver une solution, voir si elles prennent bien leurs médicaments, leurs repas, si elles se font à manger… Le confinement n’est pas un abandon et préserver la santé physique des personnes fragiles participe à préserver leur santé mentale, prévient le Dr Gokalsing.

Il est important aussi de se renseigner et de les renseigner s