Energétique ou énergisante ? Si les mots sont proches, les réalités le sont beaucoup moins ! Faisons le point avec le Dr Antoine Canat, médecin généraliste spécialisé en addictologie et médecin coordinateur du réseau Santé Addictions Outre-Mer (SAOME).
Attention, marketing ! Le sport favori des fabricants de boissons énergisantes : entretenir la confusion entre boissons énergisantes et boissons énergétiques. Si les deux promeuvent « l’énergie », elles doivent être bien différenciées. Et dans les 2 cas, ces boissons n’apportent aucun surcroît d’énergie ou de performance.
BOISSONS ÉNERGÉTIQUES VS BOISSONS ÉNERGISANTES : L’ESSENTIEL
BOISSONS ÉNERGÉTIQUES vs. BOISSONS ÉNERGISANTES | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Boissons ÉNERGÉTIQUES | Boissons ÉNERGISANTES | ||||||||
Public cible | Personnes pratiquant une activité sportive intense et/ou avec beaucoup d’endurance | Tout public, avec un marketing orienté vers les plus jeunes | |||||||
Effets recherchés | Compensation des éléments perdus lors de la pratique sportive intense (eau, sucres, sels minéraux) |
|
|||||||
Composition |
|
|
|||||||
Contre-indications |
|
|
|||||||
Risques liés à une consommation excessive ou inadaptée |
|
|
LES BOISSONS ÉNERGÉTIQUES : ASSEZ SÛRES SI BIEN UTILISÉES
Les boissons dites énergétiques sont destinées « à un usage autour de la pratique sportive intense et/ou avec beaucoup d’endurance (trail, marathon, cyclisme, et autres sports avec une forte implication du corps et une forte dépense énergétique) ». Elles permettent de compenser les pertes en eau et en électrolytes dans le cadre d’une activité sportive. « Il existe même un label AFNOR qui apporte un minimum de garanties, comme la non contre-indication par les ligues sportives », précise le Dr Canat.
Quelle est la composition de ces boissons ?
Logiquement, elles affichent donc « la composition nécessaire pour compenser les pertes liées à une pratique sportive intensive : de l’eau (non gazeuse), du sucre, des sels minéraux (sodium, potassium, magnésium) et éventuellement des vitamines ».
Quels effets réels sur le corps ?
« En compensant les pertes en eau, électrolytes et sucres dues à une pratique sportive intense, les boissons énergétiques permettent aux sportifs de continuer leur effort sans être gênés par la déshydratation, des lésions musculaires ou une baisse de performance. »
Quels avantages ? Quels inconvénients ?
“Ces boissons étant sucrées, leur apport calorique doit être pris en compte dans les apports nutritionnels quotidiens du sportif (voir plus bas, NDLR). »
Quels risques ? Quelles contre-indications ?
Toutefois, « Leur profil est relativement sécure dans le cadre d’un usage normal : un usage régulier mais raisonné dans le cadre d’une pratique sportive expose donc à des risques faibles.
En dehors de la pratique sportive, un usage ponctuel n’aura pas non plus de répercussions sur la santé. Mais si on en consomme quotidiennement, il y a une possibilité de développer à long terme des maladies endocrinologiques ou métaboliques (surpoids, obésité, diabète, stéatose/cirrhose, etc.), mais aussi des problèmes bucco-dentaires.
Quelle est la dose à ne pas dépasser ?
« Il faut se référer à l’étiquette figurant sur l’emballage. Et dans tous les cas, il ne faut pas dépasser l’apport calorique quotidien recommandé (par exemple ne pas se suralimenter avec des barres énergétiques en parallèle) : 2 400 à 2 600 Kcal/jour pour les hommes, 1 800 à 2 200 Kcal/jour pour les femmes. »
Y a-t-il un risque d’addiction ?
« Non, car il ne s’agit pas des produits les plus sucrés. Il n’y a donc pas de risques d’accoutumance et il est facile d’arrêter. Il suffit de maintenir une bonne hydratation et de bons apports caloriques lors de la pratique sportive. »
Des solutions de remplacement ?
« On peut remplacer les boissons énergétiques par de l’eau, accompagnée de compléments nutritionnels solides (par exemple des barres énergétiques). Une autre solution consiste à préparer une boisson qui ressemblerait au soluté de réhydratation pour bébé : par exemple pour 1 l d’eau, ajouter 8 à 9 cuillères à café de sucre, une demi-cuillère à café de sel et éventuellement un peu de sirop ou de citron pour l’aromatiser. Certains sportifs recourent à un autre type de sucre : la maltodextrine, qui a un apport calorique équivalent mais un pouvoir sucrant moindre. »
LES BOISSONS ÉNERGISANTES : PRUDENCE !
Les boissons dites énergisantes ou energy drink, « sous couvert de donner de l’énergie » sont en réalité des boissons qui prolongent l’éveil. « Le public ciblé est un public plutôt jeune. Le marketing promeut la puissance, l’endurance, la concentration et aussi une image associée à la fête, au dépassement de soi, à l’amplification du désir et de la performance sexuelle. Il y a une approche assez viriliste, notamment avec la taurine* qui joue sur cet aspect de la puissance. Contrairement à ce que les fabricants peuvent faire croire, ces boissons n’ont aucun intérêt dans le cadre d’une pratique sportive et sont mêmes contre-indiquées pour cela », détaille le Dr Canat.
Quelle composition ?
« En plus de l’eau et du sucre (sauf déclinaisons light), ces boissons contiennent des substances psychoactives comme la caféine, qu’elle soit synthétique ou naturelle (ex : l’extrait de guarana), la taurine ou le ginseng, et d’autres substances naturelles (glucuronolactone, inositol, vitamines). Cette composition sous-entend un effet excitant qui n’est pas forcément prouvé. Leur apport en sucre est conséquent, comparable à celui de certains sodas. »
Quels effets réels sur le corps ?
« Il n’y a pas de preuves d’effets stimulants de la taurine, du ginseng, de la théophylline ou autres composants des boissons énergisantes. Tout au plus un effet éveillant. Idem pour le glucoronolactone, un sucre complexe présent dans ces boissons jusqu’à 600 fois la dose quotidienne nécessaire, mais qui n’a aucun intérêt prouvé. »
Quels avantages ? Quels inconvénients ?
« Rien ne permet de conseiller de consommer des boissons énergisantes. Elles ne présentent aucun intérêt pour la santé et le bénéfice d’un apport de caféine est discuté (aucune étude ne considère ses éventuels bénéfices dans une approche globale, NDLR). En revanche, elles sont forcément à risque sur le plan du sommeil, pour le cycle veille-sommeil. En consommer peut entraîner des difficultés à s’endormir, puis une fatigue durant la journée. De plus, ces produits, plus caloriques que les boissons énergétiques ne sont pas anodins. »
Quels risques ? Quelles contre-indications ?
« Une consommation isolée, ponctuelle et peu intense de boisson énergisante par une personne qui n’a pas de problèmes de santé engendre un risque faible pour sa santé.
En revanche, le positionnement des médecins, médecins nutritionnistes et sociétés savantes sur les boissons énergisantes est clair : une contre-indication absolue avec la pratique du sport, malgré le marketing très agressif qui les entoure à ce sujet. Ces boissons très concentrées en substances psychoactives et hypertoniques* en sucre peuvent entraîner des troubles du rythme cardiaque, surtout chez les personnes vulnérables (tachycardie, hypertension artérielle, parfois jusqu’au décès).
Elles doivent également être évitées lorsque l’on est atteint de troubles du sommeil, maladie métabolique, cardiaque, rénale, hépatique et psychiatrique (elles peuvent perturber les rythmes et modifier l’état émotionnel, a fortiori si on souffre d’une maladie psychiatrique sévère ou non équilibrée). Et les substances psychoactives contenues dans ces boissons n’étant pas neutres par apport au développement du cerveau, elles sont clairement déconseillées aux nourrissons, enfants, adolescents et femmes enceintes.
D’une manière générale, il est nécessaire de questionner son médecin ou son pharmacien lorsque la prise de boisson est associée à certains traitements au long cours (notamment la cortisone).
Enfin, la composition même de ces boissons peut entraîner un risque de diabète, des problèmes bucco-dentaires (forte teneur en sucres), des problèmes liés à l’acidité (gaz carbonique), des troubles du sommeil et une somnolence (substances psychoactives), des maux de tête, une irritabilité, une déshydratation, etc. »
Boissons énergisantes et alcool : quels dangers ?
« Que ce soit dans un usage ponctuel ou quotidien, les boissons énergisantes sont souvent associées à de l’alcool. Cela entraîne une moindre perception de la fatigue, de l’ébriété, de la douleur ou de la déshydratation. On note également une augmentation du recours à des actes violents car on a une moins bonne appréciation de son état psychique, mais parfois aussi des pratiques sexuelles non consenties ou une perte de contrôle. »
Quelle est la dose à ne pas dépasser ?
« La consommation de boissons énergisantes ne doit quant à elle pas dépasser l’équivalent en caféine de 3 expressos par jour (300 mg/jour) (soit environ 1 canette et demie, NDLR). Disons que chaque dose supplémentaire apporte un risque supplémentaire… Et comme pour les boissons énergétiques, il faut veiller à ne pas dépasser les apports caloriques recommandés. »
Y a-t-il un risque d’addiction ?
« Il n’existe pas grand-chose dans la littérature sur le sujet précis de l’addiction aux boissons énergisantes mais il y a de la documentation sur l’addiction à la caféine. Celle-ci peut se manifester par un phénomène d’accoutumance et de tolérance qui se traduit par le besoin d’augmenter les doses pour ressentir les mêmes effets, et un symptôme de sevrage lorsqu’on arrête (fatigue, irritabilité, tristesse, maux de tête, etc.). Ces symptômes ne sont pas graves mais dérangeants.»
Des solutions de remplacement ?
« On ne peut pas recommander l’usage de ce type de boissons en termes de santé publique. Si l’on cherche un effet éveillant, il peut être produit par du thé ou du café, sans sucre, et dans la limite de 3 cafés par jour », conclut le Dr Canat.
Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.