Soulager les douleurs chroniques des patients, c’est la spécialité du docteur Frédérique Mohy, médecin de la douleur et responsable du centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU Nord. Nous lui avons posé toutes nos questions sur la douleur et les manières de la prendre en charge.
Le traitement de la douleur est un enjeu de santé publique. A La Réunion, il existe 4 consultations spécialisées dans le soulagement de la douleur des patients.
Qu’est ce que la douleur ?
“La douleur, tout le monde connait, c’est une sensation et c’est une expérience que chacun fait, ce n’est pas la même pour tout le monde. Alors comment on sent la douleur ? On sent la douleur parce qu’on a des capteurs partout dans tout le corps, qui sont reliés à des nerfs qui vont jusqu’à la moelle épinière et puis qui apportent le message douloureux jusqu’au cerveau. Et quand ça arrive là haut on dit “aïe”.”
Pourquoi la douleur diffère-t-elle d’une personne à l’autre ?
“La douleur diffère parce que nous ne sommes pas équipés tous du même système nerveux de la douleur. La douleur c’est une sensation, c’est comme la vue, l’ouïe, c’est un système sensoriel. Il y a des gens qui vont être plus sensibles à certaines douleurs que d’autres. C’est en partie génétique et il y a d’autres facteurs bien sûr. Si on a été un enfant né prématuré, et qu’on a subi plusieurs jours de réanimation à la naissance avec des gestes potentiellement douloureux, on a montré que même à l’âge adulte on avait un seuil de perception de la douleur qui étais plus bas. Donc ça modifie la perception de la douleur.”
Comment évaluer la douleur ?
“Comme la douleur est quelque chose de subjectif, c’est une expérience subjective que chacun fait. La meilleure évaluation c’est le patient lui-même, la personne qui a mal. On appelle ça l’auto-évaluation. Et pour évaluer cette douleur on a des petits outils qui s’appellent des échelles par exemple on demande comment est votre douleur de zéro à dix pour savoir l’intensité. Mais il y a aussi beaucoup d’autres choses qu’on va évaluer, comme les répercussions émotionnelles de la douleur, le retentissement au quotidien.
Alors quand ce sont des bébés par exemple, qui ne parlent pas ou des personnes âgées- ou des personnes non communicantes ou qui sont en réanimation bien sûr elles ne vont pas nous répondre. Donc on va utiliser d’autres outils ce qu’on appelle des échelles comportementales qui vont nous permettre d’apprécier la douleur du patient. On sait aussi que quand on a mal, la tension monte le cœur bat plus vite, on respire plus vite, etc. Et tout ça on en tient compte.”
Existe-t-il des douleurs difficiles à soulager ?
“Les douleurs sont d’autant plus difficiles à soulager qu’elles sont anciennes. Plusieurs facteurs peuvent favoriser l’apparition de douleurs chroniques. En particulier quand on a des douleurs tous les jours ou des douleurs très importantes, très intenses qui vont dépasser nos possibilités d’adaptation. A ce moment-là, le système nerveux de la douleur va se sensibiliser il va devenir plus sensible- le seuil de perception de la douleur va s’abaisser et on va ressentir comme douloureuses des choses qui avant ne l’étaient pas, et c’est un cercle vicieux. Plus le système devient sensible et plus on ressent de la douleur c’est ce qui explique que des douleurs peuvent persister très longtemps alors que leur cause initiale a disparu.”
Comment traiter la douleur ?
“Alors pour traiter la douleur on a évidement des médicaments mais on en a relativement peu. Tout le monde connaît l’Efferalgan et la morphine. Ces médicaments ont leur limite, d’abord on en a assez peu et puis ils ont assez souvent au long-cours des effets indésirables pour les patients. Il y a aussi des thérapeutiques non médicamenteuses et qui vont permettre si elles sont efficaces de réduire la posologie des médicaments et donc leurs effets indésirables. Il y a toutes sortes de traitements non médicamenteux.
Certains sont validés scientifiquement d’autres non, il y a des méthodes relationnelles par exemple un soutien psychologique, l’apprentissage de la relaxation ou de l’hypnose, qui va permettre d’améliorer nos propres contrôles naturels de la douleur. Et de reprendre une certaine maîtrise et une certaine autonomie. Très souvent on associe ces méthodes-là surtout pour la douleur chronique mais aussi pour la douleur aiguë, aux médicaments. On peut déjà consulter son médecin traitant et si ça dure, celui-ci peut vous adresser dans un centre d’évaluation et de traitement. Il nous écrit une lettre en nous disant ce qui vous arrive, et puis nous vous donnons un rendez-vous. ”
Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.