Avec l’arrivée des premières interrogations sur la différence entre le sexe des filles et celui des garçons, les parents peuvent être pris au dépourvu. Comment répondre aux questions de nos enfants quand il s’agit de sexualité ? Nous avons été voir Caroline Lafarge, psychologue clinicienne à La Réunion.*
Il y a deux choses à garder à l’esprit quand on aborde le thème de la sexualité avec les enfants.
- Il n’y a pas de norme dans la sexualité et chaque enfant est singulier. C’est donc à l’entourage de s’adapter.
- Les enfants ont accès jeunes à beaucoup d’informations. Il est donc important d’aborder le thème de la sexualité avec eux sans attendre la période de l’adolescence où il sera plus compliqué d’établir le dialogue.
À quel âge l’enfant commence à poser des questions sur la sexualité ?
L’enfant peut poser des questions sur la sexualité assez tôt, vers 3 ans.
Ses questions vont souvent survenir dans le cadre d’événements quotidien : un bain dans lequel jouent une fille et un garçon, la naissance d’un frère ou d’une sœur…
Les enfants sont aussi fortement exposés à des images ( films, clips…) où ils perçoivent une forme de sensualité et d’érotisation. Cela peut être une deuxième source de questionnement.
Donner du sens à ces images, et répondre simplement aux questions des plus petits, permet de poser les bases d’une communication future sur la sexualité.
La lecture d’histoire est une bonne manière de poser ces bases. Les histoires ont une fonction constitutive pour l’imaginaire de l’enfant. Cette phrase : “Ils s’aiment et eurent beaucoup d’enfants”, suggère que deux personnes se sont trouvées et que l’amour est réciproque à l’arrivée d’un enfant.
Nous savons que cela ne se déroule pas pour tout le monde de cette manière, mais avoir cette base de connaissance est essentielle pour comprendre le reste ensuite. Ce n’est pas mentir à un enfant que de le laisser rêver !
Que peut-on dire au sujet de la conception, et à quel âge faut-il en parler ?
La conception peut s’aborder dès l’age de 7 ans, en s’appuyant par exemple sur la reproduction des animaux. Vous pouvez regarder en famille des documentaires animaliers. Pleins de thématiques s’en dégagent : la séduction, le choix du mâle en tant que géniteur par la femelle, la construction d’un habitat pour féconder, l’éducation des petits pour devenir autonomes et être prêts un jour à procréer eux-mêmes…
La nature est là autour de nous et c’est un support approprié et riche pour aborder ensuite la reproduction humaine.
S’il n’en parle pas, faut-il prendre les devants ?
Si vous êtes attentifs, c’est rare qu’un enfant ne pose pas spontanément ces questions. S’il ne le fait pas, alors oui, il est nécessaire d’aborder la thématique de la sexualité car cela fait partie intégrante du développement de tout individu.
Le rôle des parents est d’aider l’enfant à développer ses facultés pour faire face à la vie. En échangeant là-dessus, l’enfant peut mettre un sens sur des notions essentielles à son développement sexuel : l’intimité, la pudeur, la tendresse…
Qui doit y répondre ? Papa ou maman ?
Si l’enfant peut avoir un échange avec ses deux parents, cela représente une véritable source de richesse. Certains psychologues recommanderont de privilégier le parent du même sexe. Ce n’est pas si simple. L’homme et la femme ne donnent pas les mêmes informations et n’emploient pas les mêmes mots pour parler de la sexualité. Accéder aux représentations du père et de la mère permet à l’enfant de saisir un principe primordial, à savoir qu’il n’y a pas de norme statuée sur la sexualité en dehors des interdits fondamentaux.
Quel vocabulaire employer et comment savoir jusqu’où on peut aller dans les explications ?
Tous les parents ne sont pas à l’aise pour aborder ce sujet. Il est alors plus simple de rebondir sur les mots qu’utilisent vos enfants à leur stade de développement en précisant que dans le langage courant cela se nomme ainsi. Il est important que le parent montre l’exemple en employant le bon mot, on peut aussi lui montrer que ça se trouve écrit dans les livres ou en trouver la définition exact dans un dictionnaire.
Comment prévenir les abus sexuels ?
Si vous avez posé les bases comme expliqué ci-dessus et contextualisé la reproduction dans un ensemble de valeurs, des interdits s’en dégagent forcément.
Dans la nature, une femelle choisit son partenaire pour procréer. Si elle refuse, le mâle s’en va pour procréer ailleurs. Dans les contes, le prince et la princesse se choisissent. Voilà pourquoi c’est essentiel de stimuler la vie imaginaire afin d’asseoir ensuite les interdits : pas d’acte sexuel sans consentement mutuel, ou avec une personne trop jeune ou vulnérable pour bien comprendre les implications, voire exprimer un refus…
Comment réagir à la masturbation ?
La masturbation est une activité naturelle et personnelle. Elle permet d’accéder à une meilleure connaissance de son corps et de son désir.
Il est important de comprendre et de faire comprendre que cela doit rester intime. Par conséquent, l’enfant ou l’adolescent qui s’y adonne, doit le faire dans son espace, autrement dit, dans sa chambre. Cette intimité doit être respectée par les parents, tout comme l’enfant, doit respecter l’espace intime de la chambre des parents.
Même si vous vous trouvez pris au dépourvu devant la masturbation de votre enfant, il est nécessaire de ne pas réagir par des sentiments de gêne, de colère ou de honte. Cela fait partie des bases de son avenir sexuel !
Si les membres d’une famille se retrouvent dans cette situation, cela peut aussi se discuter avec un professionnel comme un psychologue où encore un sexologue.
Y a-t-il un âge où il est déconseillé de se montrer nu devant son enfant ?
Vers 3 ans, la nudité fortuite, à la sortie d’une douche par exemple, d’un membre de la famille n’a pas réellement de conséquence chez l’enfant. Elle lui permet d’observer que les garçons et les filles n’ont pas la même anatomie.
Par contre, vers 7-9 ans, les enfants alertent en disant “ne rentre pas dans la douche” ou “je sais me laver tout seul”. Lorsque l’enfant s’approprie son propre raisonnement, qu’il a notion de son image corporelle, il est recommandé de ne pas exposer sa nudité. Il fait face à des concepts naissants comme le sentiment de pudeur. Cette étape lui appartient pour arriver à mieux se constituer dans leur intimité. La respecter, c’est de ce fait ne pas leur imposer notre propre nudité.
Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.