Quel est le rôle de la médecine du travail ? Les visites médicales sont-elles obligatoires ? Marc Nexhip, directeur général du service interprofessionnel de santé au travail Intermétra, nous éclaire.
Intermétra est le principal service de médecine du travail à La Réunion. Marc Nexhip, son directeur général, nous précise qu’il s’agit d’une “association réunionnaise loi 1901 qui a l’agrément pour assurer la surveillance médicale de tous les salariés du privé, du régime agricole, et de la fonction publique d’État ou de la fonction publique territoriale”. Et il répond à toutes les questions que nous nous posons !
Quel est le rôle de la médecine du travail ?
« Les services de santé au travail ont 4 missions :
- conduire des actions en entreprise afin de préserver la santé des travailleurs salariés tout au long de leur carrière,
- assurer la surveillance médicale des salariés,
- conseiller les employeurs pour éviter l’altération de la santé des salariés,
- établir la traçabilité de veille sanitaire auprès du Ministère du travail, afin d’établir des statistiques qui permettront ensuite d’identifier des plans régionaux ou nationaux de santé au travail.
Quelle est la différence entre mon médecin traitant et un médecin du travail ?
« Le médecin de ville est là pour soigner. Il n’a aucune compétence en médecine du travail.
Un médecin du travail, en revanche, ne soigne pas. Il a suivi une formation de médecin généraliste et une spécialité de 4 ans, afin de pouvoir appréhender tous les risques professionnels et surtout conseiller l’employeur pour éviter l’altération de la santé des salariés.
Le médecin du travail ne peut pas prescrire d’arrêts de travail (excepté pour la Covid) ou de médicaments. Il peut simplement prescrire des examens complémentaires.
Le médecin du travail peut également enclencher des actions en entreprise. Dans ce cas il ne travaille pas seul mais avec une équipe pluridisciplinaire composée d’intervenants en prévention des risques professionnels : ergonomes, toxicologues pour les risques toxiques, psychologues du travail pour le suivi des risques psycho-sociaux, etc. Les médecins sont toujours en lien avec l’employeur et peuvent faire intervenir ce type de professionnels pour établir un diagnostic en entreprise et une évaluation des risques. À partir de là, ils peuvent mettre en place des formations ou des sensibilisations pour éviter l’altération de la santé des salariés du fait de ces risques.
Tout comme le médecin de ville, le médecin du travail est tenu au secret médical. »
La médecine du travail est-elle obligatoire ?
« La médecine du travail est obligatoire dès qu’il y a des salariés. Les employeurs ont l’obligation de faire surveiller la santé de leurs employés :
- soit par le biais d’un service autonome qui sera soumis aux mêmes obligations qu’un service de santé au travail interentreprises comme Intermétra (cette situation concerne surtout les grandes entreprises de plus de 500 salariés).
- soit par le biais d’un service interentreprises. Il y en a deux à La Réunion : Intermétra et SISTBI, qui était à l’origine axé sur les entreprises du BTP avant de s’ouvrir aux autres professions,
- soit, pour les salariés de la fonction publique territoriale à La Réunion, par le biais d’un centre de gestion. Contrairement aux autres services, ces centres s’appuient sur des médecins de prévention, des médecins généralistes agréés qui ne sont pas obligatoirement médecins du travail.
Un travailleur indépendant, un artisan ou un employeur non salarié peut aussi bénéficier de visites médicales auprès de la médecine du travail s’il adhère au service et en fait la demande. Mais il n’en n’a pas l’obligation. »
Quelles sont les visites médicales obligatoires ?
Chaque salarié nouvellement embauché bénéficie d’une visite d’information et de le prévention (VIP, qui remplace la visite médicale d’embauche).
Ensuite, « depuis 2016 et la réforme El Khomeri (Loi Travail, NDLR) le suivi des salariés est réalisé en fonction des risques auxquels ils sont exposés, tous les 2 à 5 ans.
- Les salariés soumis à une visite tous les 2 ans sont ceux qui nécessitent un suivi individuel renforcé, comme par exemple les travailleurs de nuit, les conducteurs d’engins, les travailleurs handicapés, les personnes confrontées aux rayons ionisants, etc.
- Les salariés qui présentent le moins de risques professionnels, comme par exemple les personnels administratifs, sont soumis à une surveillance simple, tous les 5 ans.
- Le médecin du travail peut toutefois augmenter la fréquence de ses visites en fonction du risque réellement encouru.
Les visites médicales sont également obligatoires après tout arrêt de travail de plus de 30 jours, voire avant la fin de l’arrêt pour une visite de pré-reprise (pour envisager un éventuel aménagement de poste).
Le médecin du travail doit alors se prononcer sur l’aptitude du salarié et envoyer à l’employeur une fiche qui signifiera
- soit la possibilité de reprise normale de l’activité par le salarié,
- soit une demande d’aménagement de poste (aménagement ergonomique, mutation, temps partiel thérapeutique, équipements de protection, etc., NDLR).
Dans ce dernier cas, si l’aménagement est possible, il doit être réalisé par l’employeur. S’il n’est pas possible, le salarié peut voir son arrêt de travail prolongé ou être déclaré inapte à son poste.
En cas d’inaptitude totale, l’employeur est obligé de prononcer le licenciement du salarié, qui sera alors pris en charge par Pôle Emploi et/ou la Sécurité Sociale. La médecine du travail travaille en collaboration avec des assistantes sociales, des structures pour l’emploi, des services d’insertion professionnelle, etc. pour accompagner les salariés dans ces situations. »
Peut-on demander une visite médicale à la médecine du travail ?
« Salariés et employeurs peuvent demander une visite médicale à tout moment. Le médecin du travail doit alors honorer la demande sous 8 jours.
Un salarié peut par exemple demander une visite en rapport à ses conditions de travail. La médecine du travail pourra alors réaliser une étude de poste afin de vérifier que l’installation est conforme, mesurer le bruit, la lumière, faire évaluer les risques psycho-sociaux…
Un employeur peut également demander une visite pour plusieurs raisons, par exemple :
- réaliser une étude ergonomique avant de refaire ses locaux,
- apporter une solution lorsqu’une pathologie se déclare de manière répétée à un poste (ex : solutions matérielles ou posturales en cas de Troubles Musculo-Squelettiques (TMS),
- organiser une sensibilisation et une prévention autour des substances psychoactives,
- améliorer les conditions de travail sur écran,
- effectuer des mesures de bruit, lumière, température et recevoir une préconisation concernant les Equipements de Protection Individuelle (EPI) à mettre en place,
- etc. »
Quelles sont les principaux motifs de souffrance au travail à La Réunion ?
« Il n’y a pas réellement de spécificités à La Réunion. On retrouve le plus souvent des TMS dans les professions manuelles, des troubles psycho-sociaux ou liés au travail sur écran chez les personnels administratifs et beaucoup de problématiques d’agression dans toutes les professions d’accueil du public.
En revanche, on rencontre moins de risques industriels (liés aux risques chimiques, au travail à la chaîne, etc.) car il y a peu d’usines à La Réunion. Et d’une manière générale, on a plus de problématiques d’accidents du travail dans les entreprises d’entretien d’espaces verts. »
Sources
Tout savoir sur la médecine du travail – Ministère de l’économie et des finances
Médecine du travail et coronavirus – Service-Public.fr
Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.