On considère qu’environ 5 % des personnes vivant avec le diabète sont touchées par le diabète de type 1 à La Réunion. Et leur quotidien pourrait bien être transformé par les nouvelles technologies ! Le Dr Flaus-Furmaniuk, diabétologue-endocrinologue, nous explique pourquoi ces innovations changent tout.

Longtemps, le traitement du diabète de type 1 a reposé uniquement sur la surveillance « humaine » de la glycémie, associée à des injections multiples d’insuline. Les personnes diabétiques devaient surveiller leur glycémie plusieurs fois par jour grâce à de petites piqûres au bout des doigts. Une goutte de sang déposée sur une bandelette, puis insérée dans un lecteur, permettait de connaître le taux de sucre présent dans le sang à un instant précis. Les patients devaient alors mesurer la dose d’insuline dont ils avaient besoin et procéder à son injection.

Diabète de type 1 : une maladie exigeante dont le traitement évolue régulièrement

Depuis, des capteurs de glucose ont été développés, qui permettent une mesure continue du glucose (MCG), simplifiant ainsi la surveillance. Le traitement classique a alors évolué vers des injections d’insuline via des stylos contenant un certain nombre de doses. Mais « ce n’est pas très discret, et parfois les patients nous disent qu’on les prend pour des drogués », précise le Dr Flaus-Furmaniuk, cheffe de service de Diabétologie-Endocrinologie au CHU de La Réunion site Nord.

Par ailleurs, ça fait mal et il y a en moyenne 3 à 5 injections à faire par jour – parfois jusqu’à 10 – plus 1 à chaque repas [le bolus, injection d’insuline rapide permettant de couvrir les apports ponctuels en glucides, NDLR]. Enfin, ce dispositif n’est pas très modulable : une fois qu’on a injecté l’insuline, on ne peut pas la retirer », et si la dose injectée est trop importante le patient risque l’hypoglycémie.

Les pompes à insuline ont marqué une première étape vers plus de confort :

« Avec les pompes, on peut suspendre l’injection d’insuline et éviter une hypoglycémie. »

Pourquoi aller vers les nouvelles technologies ?

Le bénéfice lié à l’évolution des traitements ne se limite pas au confort du patient : les nouvelles technologies ont un véritable impact médical.

« Il est prouvé que cela améliore l’équilibre glycémique, et c’est pour ça que c’est remboursé. Ça évite des complications à long terme et ça apporte au patient un confort de vie. En général, une fois que les patients utilisent ces outils, ils ne reviennent plus en arrière. »

Capteurs et pompes : une alliance de précision

Les capteurs de glycémie et les pompes à insuline sont devenus incontournables. « Ces dispositifs existent depuis déjà 15 ou 20 ans, mais ils sont aujourd’hui de plus en plus petits et fiables. A l’heure actuelle, tous les capteurs permettent de lire la courbe de glycémie sur son téléphone. Les pompes peuvent administrer l’insuline automatiquement, selon un débit programmé, certaines permettant même d’envoyer le bolus [injection d’insuline rapide permettant de couvrir les apports en glucides d’un repas, NDLR] avec le téléphone portable, ce qui permet de ne plus forcément sortir la pompe de sa poche. »

Mais la technologie ne supprime pas tous les risques : « Qui dit téléphone portable dit risque d’ingérence et de piratage, poursuit notre diabétologue, et c’est un frein pour certains patients. »

Les pompes dites « en boucle ouverte » sont quant à elles capables de s’arrêter automatiquement lorsqu’une baisse de la glycémie est détectée par le capteur. Ce système est également appelé arrêt prédictif d’insuline ou « hypo minimizer. »

Le pancréas artificiel, une avancée majeure

La nouvelle étape s’appelle boucle fermée hybride, ou pancréas artificiel, disponible en France depuis 2021.

« La boucle fermée associe la pompe et le capteur, et utilise un algorithme basé sur l’intelligence artificielle qui va communiquer entre ces deux dispositifs. On l’appelle boucle fermée “hybride” car elle n’est pas parfaitement autonome : dans certains cas, on peut être amené à prendre la main, par exemple lors des repas, car la glycémie augmente trop vite pour le système. Le patient doit donc renseigner lui-même la quantité de glucides consommés. »

Cette technologie reste néanmoins révolutionnaire.

« Les systèmes analysent la situation toutes les 5 minutes et réajustent les doses au même rythme. Même si le réajustement n’est pas toujours parfait, les résultats sont très satisfaisants car il est fréquent et régulier. Et la majorité des dispositifs ont un système d’apprentissage de la sensibilité de chaque patient à insuline, qui permet une adaptation de plus en précise. »

Des bénéfices concrets

« Pour les patients qui sont difficiles à équilibrer, on vise 50 % du temps passé dans la cible glycémique [zone de glycémie normale, c’est-à-dire entre 0,70 et 1,80 g/l, NDLR]. Pour la majorité des patients qui utilisent le pancréas artificiel, on arrive à plus de 70 %. Et pour les patients très impliqués, on atteint quasiment 100 % », se réjouit le Dr Flaus-Furmaniuk.

« Par ailleurs, on note pour tous les patients une amélioration du confort de vie, avec un allégement de la charge mentale et une amélioration de leur performance au travail, car on réduit les nuits fatigantes où la personne fait une hypoglycémie ou une hyperglycémie. Globalement la satisfaction est très bonne. »

Un système accessible au plus grand nombre

Initialement réservé aux patients les plus autonomes, le dispositif s’ouvre désormais au plus grand nombre.

« Au début, on a utilisé ce système chez des patients qui connaissaient bien leur maladie. Maintenant, on le propose aussi à des patients qui ont plus de difficultés, et ce sont eux qui en bénéficient le plus. J’ai par exemple une patiente qui utilise le dispositif depuis 6 mois, qui avait des difficultés parce qu’elle ne sait pas lire ni écrire. On a mis ce système en place, avec un accompagnement des infirmières à la maison. Avant, elle était à 20 % du temps dans la cible glycémique, maintenant elle est à 70 % ! »

Un accompagnement indispensable

Même la technologie la plus performante nécessite toutefois un suivi humain.

« Si on n’a pas d’éducation thérapeutique du patient, le système va fonctionner, mais moins bien. Les patients suivis de manière plus rapprochée gagnent encore 10 % de temps passé dans la cible glycémique. Cela correspond à 0,5 % d’hémoglobine glyquée [taux de sucre moyen dans le sang sur les 2 à 3 derniers mois, NDLR] en moins, et à l’échelle de la vie, c’est important. Ça nous permet d’éloigner la perspective d’une dialyse, et pour ceux qui ont déjà les reins fatigués, de la repousser d’un ou deux ans. »

Et demain ?

À La Réunion, environ 200 à 250 patients adultes sont déjà équipés, soit 30 à 40 % des personnes atteintes de diabète de type 1 équipées de pompes à insuline « Certaines personnes ne veulent pas avoir de système à porter sur elles, notamment parce qu’elles craignent qu’il se décolle avec la sueur, mais globalement la satisfaction est très bonne. Progressivement, avec les améliorations du système, la boucle fermée hybride va devenir la norme pour tous les patients diabétiques de type 1 », affirme le Dr Flaus-Furmaniuk.

Et ces améliorations se dessinent déjà : « Des travaux sont en cours sur des applications capables de reconnaître par photo du repas les glucides consommés, ou sur des lunettes connectées qui interprètent les repas », pour une délivrance 100 % automatisée de l’insuline.

Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.