Quels animaux venimeux pouvons nous rencontrer dans le lagon ? Quelle conduite tenir si vous faites une mauvaise rencontre et que vous êtes confrontés à une piqûre ou une morsure ? Bien connaître son environnement pour mieux prévenir les risques, voici notre dossier spécial « envenimation marine ».
Le lagon est souvent considéré comme un lieu sûr par les amateurs de baignade. La barrière de corail nous protège en effet des grosses vagues et des grands prédateurs de l’océan. Mais les baigneurs imprudents sont tout de même susceptibles d’y faire de mauvaises rencontres : les animaux marins venimeux.
Il peut s’agir de coraux, de poissons, de méduses, d’oursins ou même de cônes… La plus grande partie des animaux marins répertoriés dans le monde vit dans les eaux tropicales ou intertropicales. La Réunion est donc particulièrement concernée ! Plongeurs, pêcheurs, touristes, baigneurs : soyez vigilants !
Comment les animaux marins nous atteignent-t-ils ?
Il faut savoir que les espèces marines se défendent quand elles se sentent menacées. Celles qui sont venimeuses n’attaquent pas par plaisir, surtout qu’il leur faut du temps et de l’énergie pour fabriquer leur venin. Un venin qui peut être dangereux ou douloureux pour l’homme. Ces animaux peuvent nous inoculer (ou injecter) leur venin de différentes manières selon les espèces :
- Par piqûre
- Par morsure
- Par simple contact
Lorsqu’un animal venimeux nous transmet son venin, on parle d’envenimation. Cela peut se faire dans l’eau, ou même hors de l’eau lorsqu’on manipule l’animal.
Un baigneur aux urgences tous les 10 jours
Entre 2011 et 2019 à La Réunion, 312 envenimations marines ont été enregistrées dans les services des urgences des 4 hôpitaux de l’île. Cela représente en moyenne 35 cas par an, soit un passage aux urgences tous les 10 jours.
- Plus des trois quarts sont dus à des piqûres de poisson pierre : 76 %
- Viennent ensuite les piqûres de méduses : 8 %
- Les pterois et les poissons chats partagent la troisième marche du podium (5 %)
- En revanche, les raies ne piquent que très rarement : seulement 2 cas enregistrés en 9 ans.
Certaines de ces envenimations semblent saisonnières. C’est le cas des méduses et des poissons pierre dont les cas culminent pendant l’été austral.
Les espèces marines venimeuses de La Réunion !
Nous n’évoquerons dans la suite de cet article que les animaux rencontrés à La Réunion. Mais il y en a déjà un certain nombre ! On en dénombre 7 familles différentes.
1 – Les poissons osseux piqueurs
Comme leur nom l’indique, ces poissons possèdent un squelette en os, et surtout des épines qui inoculent un venin.
Le poisson pierre ou poisson crapaud à La Réunion(stone fish)

Les poissons chats et les rascasses (pterois)

Des piqûres douloureuses et dangereuses
Cliniquement, la piqûre peut se manifester par différents signes :
- Une douleur intense, souvent intolérable,
- Un œdème,
- Des bulles de sang, voire une nécrose au niveau local,
Ces signes peuvent être accompagnés d’un malaise général, de convulsions, d’une paralysie. Chez certaines personnes et dans certaines circonstances, l’envenimation pourrait provoquer des complications allant jusqu’au décès.
La gravité de la piqûre dépend :
- de la quantité, de la maturité et de la concentration de venin injectée,
- du poisson ( type d’espèces, zones d’habitations, période d’accouplement, habitude alimentaire…),
- de la profondeur des piqûres sous la peau
- et du délai de prise en charge de la victime.
Les complications possibles sont une surinfection de la plaie, une septicémie (infection généralisée), le tétanos ou encore une nécrose localisée.
Comment réagir en cas de piqûre par un poisson pierre ou une rascasse ?
La plus importante précaution c’est d’être observateur, ces animaux ne sont pas agressifs par nature, ils se défendent quand ils se sentent menacés.
En cas d’envenimation, il faut :
- sortir de l’eau la victime,
- effectuer les gestes qui sauvent si vous les connaissez en cas d’arrêt cardiaque, d’hémorragie ou encore de perte de connaissance.
- rester à côté de la victime et demander de l’aide aux maîtres nageurs sauveteurs ou en appelant le 112,
- demander à la victime de rester le plus immobile possible le temps de l’arrivée des secours
- éventuellement laisser tremper la zone touchée dans de l’eau (avec un peu de bétadine scrub) la plus chaudement tolérée (pas plus de 45°c sinon il y a un risque de brûlures) le temps d’être transporté aux urgences.
Enfin, si l’espèce incriminée n’a pas été observée, il peut être intéressant (pour la suite de la prise en charge de la douleur) d’aller observer dans la zone si l’auteur est encore sur les lieux (par exemple, le poisson pierre ne se déplace généralement pas très loin). Il faut savoir que l’envenimation par le poisson pierre est très douloureuse, la majorité des victimes finissent aux urgences pour recevoir des antalgiques puissants.
2 – Les poissons cartilagineux : des raies armées de dards venimeux
À La Réunion, ils sont représentés par les raies armées. Il s’agit de certaines raies qui ont un ou plusieurs aiguillons ou dards venimeux. C’est le cas des raies Aigle ou Pastenague. Attention, à noter que la belle raie Manta que l’on peut rencontrer à Mayotte est dépourvue de dard, et totalement inoffensive !
La piqûre a lieu le plus souvent au niveau de la jambe, lorsque l’on marche dans des fonds peu profonds, ou chez le plongeur. Elle peut provoquer :
- Une douleur intense qui peut se prolonger 48h et irradier dans tout le membre,
- Un œdème,
- Une nécrose,
- Une hémorragie, voire des troubles de la conscience et des troubles cardiaques, une perforation des poumons, mais elle tue rarement.
Comment réagir en cas de piqûre par une raie ?
Le venin est là aussi thermolabile, c’est-à-dire qu’il est détruit par la chaleur.
- La région piquée doit être mise immédiatement dans de l’eau chaude à 45°C minimum pendant au moins 30 minutes.
- Il faut y associer antalgiques et anesthésiques locaux.
- Il ne faut pas mettre de garrot (sauf en cas d’hémorragie massive), ne pas aspirer, NE PAS TENTER D’ENLEVER LE DARD.
3 – Poissons osseux mordeurs : les murènes

NB : il n’y a pas de serpents de mer venimeux à la Réunion, on observe uniquement de rares échouages sur nos plages.
Comment réagir en cas de morsure de murène ?
En cas de morsure de murène il faut :
- sortir la personne de l’eau,
- comprimer la blessure avec la main en cas d’hémorragie
- bien désinfecter la plaie
- se rendre dans un service d’urgences si la plaie est importante
- éventuellement prise d’antibiotiques sur prescription médicale
4 – Les méduses

Ce venin provoque :
- une décharge électrique,
- puis une douleur lancinante (brûlure),
- une rougeur,
- des phlyctènes (bulles)
- et une nécrose suivie d’une cicatrisation laissant sur la peau des taches brunes.
A La Réunion, les méduses sont rencontrées principalement dans les eaux chaudes de l’été austral. Leurs piqûres sont la plupart du temps sans danger, bien que gênante ou douloureuses. Certaines méduses sont beaucoup plus dangereuses (en Australie ou au Mexique par exemple) et peuvent entraîner le décès. Heureusement, elles n’ont encore jamais été repérées dans nos lagons !
5 – Les oursins

6 – Les coraux
Les coraux ne produisent pas de venin, ils ne mordent pas, et ils ne piquent pas. En revanche, ils peuvent blesser les baigneurs imprudents qui s’y frottent de trop près. Le risque est alors de développer une infection en raison du grand nombre de bactéries présentes dans le corail. Il est donc important de bien désinfecter la plaie, de la surveiller, voire de consulter un médecin si nécessaire pour mettre en place un traitement antibiotique.
7 – Les conidés

Leur venin neurotoxique (qui attaque le système nerveux) peut être mortel dans certains cas. Les signes de la piqûre sont :
- une douleur très forte au point de piqûre après quelques minutes
- un œdème souvent volumineux
- dans les cas les plus graves, une paralysie musculaire pouvant entraîner la mort par asphyxie
Il n’existe pas de sérum pour le venin des cônes. Dans les cas graves, aux premiers signes de paralysie, une hospitalisation est nécessaire.
Comment éviter les piqûres / morsures dans le lagon à La Réunion ?
Il faut prendre beaucoup de précautions pour éviter des accidents (parfois mortels, mais il n’y a eu aucun décès lié directement à une envenimation ces 10 dernières années à La Réunion) dus au venin, en particulier des poissons (poisson pierre) et des cônes à La Réunion :
- le mieux est de se baigner et nager en restant attentif à son environnement. Le marcheur qui se promène à pied sur la plage et au niveau des récifs peut se munir de chaussures adaptées qui le protégeront contre les piqûres de poissons souvent invisibles, car enfoncés dans le fond marin, et aussi des coupures causées par les coraux et les pointes rocheuses. Mais attention, le port de chaussures ne permet en aucun cas de marcher sur les coraux ! Vous risqueriez de les détruire durablement.
- les ramasseurs de coquillages devront faire attention à ce que la coquille soit vide notamment (Attention, il est interdit de ramasser des coquillages dans le lagon)
- les pêcheurs peuvent éviter les blessures en faisant attention lorsqu’ils détachent le poisson du filet ou le déposent au fond du bateau
- le «plongeur sous-marin», qui risque toujours la noyade en cas de douleurs syncopales doit éviter de chasser les murènes et d’approcher les raies de trop près. Il s’agit encore une fois de rester observateur de son environnement.
Partage d’expérience sur l’envenimation animale terrestre ou marine
Le Dispositif de ToxicoVigilance Océan Indien (DTV-OI) reste disponible si des personnes veulent partager leur expérience d’envenimation animale terrestre ou marine. Cela permettra d’enrichir la base de données du DTV-OI et d’améliorer les connaissances sur le sujet. Si vous souhaitez partager votre expérience, vous pouvez écrire à adrien.maillot@chu-reunion.fr ou faire une déclaration toxicovigilance sur le portail national : cliquez-ici.
Sources
Bulletin trimestriel POINT’ TOX n°15, Dispositif ToxicoVigilance Océan Indien— Janvier 2020
Professeur Pierre Aubry, Docteur Bernard-Alex Gaüzère. Envenimation par les animaux marins Actualités 2019
L. Berger, E. Caumes. Accidents cutanés provoqués par la faune et la flore sous-marines. Ann Dermatol Venereol 2004;131:397-404
Animaux marins venimeux : Comment se protéger ? – Demarchesadministratives.fr
Tous nos articles sont rédigés avec l’aide de professionnels de santé de La Réunion.





